Extrait de la préface de Boris Senker :
Bien qu'il ait en la même occasion prétendu que son intention dans les pièces de ce nouveau cycle était « d'approcher au plus près le reflet de notre réalité », Krleža avec ces trois « drames sur la vie d'une famille patricienne zagréboise », comme l'annonce la référence aux sources de Messieurs les Glembay, a créé un cycle analytique et réaliste cohérent dans lequel il thématise la désintégration d'une communauté véritablement mythique fermée et autarcique et la vie de ses membres après la chute. C'est pourquoi s'impose la comparaison de sa trilogie théâtrale avec La Trilogie de Dubrovnik d'Ivo Vojnović présentée au tournant des xɪxe et xxe siècles encore à Zagreb, dans laquelle est aussi exposée la décadence d'une semblable communauté fermée et autarcique. La différence consiste en ce que cette communauté est la République ragusaine chez Vojnović, et « une famille patricienne zagreboise » chez Krleža, mais les similitudes ne sont pas négligeables, pourrait-on dire, ni accidentelles. On trouve tout d'abord un idiome urbain stylisé - ragusain, et parallèlement zagrébois – avec lequel est écrit le dialogue. Les personnages centraux aussi de ces pièces, malgré d'indéniables différences dans leur caractérisation, sont semblables : les enfants terrible – Orsat et Leone (dans les pièces introductives des trilogies), les femmes sacrifiées Pavle et Laura (dans les pièces centrales) et les intellectuels cyniques Lukša et Urban (dans les pièces finales). On devine dans les pièces introductives la ruine prochaine de cette communauté, mais une partie au moins de ses membres se comporte comme si elle pouvait tout de même s'en protéger ou au moins la retarder. Dans les pièces centrales, c'est avec peine que se maintient la situation sociale antérieure. Dans les pièces finales, des œuvres vraiment dures, règnent la promiscuité, le kitsch et le désir de repos et de mort. Tout cela donne des fondements aux hypothèses voulant que Krleža avec ses textes critiques ait répondu par la polémique à la trilogie nostalgique très appréciée de Vojnović sur la disparition de la République dans le tourbillon des guerres napoléoniennes et l'existence misérable de ses habitants aux périphéries extrêmes de la monarchie des Habsbourg.