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Extrait d'Héraclès
 

 


HÉRACLÈS (au milieu de la scène, il écoute le silence) : Qu'y a-t-il ? Quelqu'un ici aussi serait-il donc mort ? (Silence. Son regard court parmi les présents et s'arrête alors sur la statue) : Peut-être es-tu malade, c'est pourquoi ils se taisent tous ? Ou ils ont honte que tu n'aies pas sauté dans l'eau après cette jeune fille de Troie, et se taisent de dégoût ? Et que serait-il arrivé, mon frère, si tu avais sauté, hein, quoi ? À l'instant même, tu aurais disparu sous l'eau ! Car tu es une pierre, tu aurais coulé jusqu'au fond ! Car tu es une pierre, ces pierres répugnantes, tu aurais disparu et personne ne t'aurait regretté ! Personne ! (Rudement, commandant) : Licha, ne t'ai-je donc pas ordonné de jeter hors d'ici cette pierre monstrueuse ? Et que font ces crétins devant la statue ?
LICHA : Héraclès, ils se prosternent devant toi. Il s'agit de la dernière coutume orientale par laquelle s'exprime le respect. On ne s'incline que devant les divinités.
HÉRACLÈS : Quel respect, quelle révérence, que racontes-tu là ? Et quelle divinité t'est venue ? (Aux esclaves) : Allez, sauvez-vous que je ne vous voie plus. Vite ! Imbéciles ! (Les esclaves se lèvent rapidement et, effrayés, s'en vont rapidement.) Et demain, Licha, que tu te sois débarrassée de ce monstre, tu entends ? Jette-le dans l'étang, oui ?! (À la statue) : Voilà, tu vois, mon frère, demain toi aussi tu sauteras quand même. Ce n'est rien au début : tu craches, et seulement le jonc s'agite et de toutes petites vaguelettes apparaissent à la surface de l'eau. Alors, le jonc se calme et les vaguelettes s'apaisent. Le silence. Un silence complet. Et toi, tu n'es plus là ! Rien ! Le silence ! (Il se retourne brusquement) : Qu'y a-t-il ? Pourquoi vous taisez-vous ? Quelqu'un serait-il vraiment mort ici ?
DÉJANIRE : Qui pourrait mourir, Héraclès ?
HÉRACLÈS : C'est ce que je me demande aussi.
LICHA : Ce sont les poètes, Héraclès.
HÉRACLÈS : Non, eux ne sont certainement pas morts ! Elles sont immortelles, nos chers muses préférées. Pourquoi vous êtes-vous ainsi serrés comme des oiseaux épouvantés ? Vous êtes venus chercher de nouvelles matières, de nouveaux thèmes et mobiles, quoi ? Mais pourquoi n'avez-vous pas interpellé mon sosie de pierre, peut-être pourrait-il vous raconter quelque chose d'intéressant ! Ou toi, Déjanire ? Et tu en sais plus, incomparablement plus, sur moi que moi-même.
DÉJANIRE : Ils t'attendaient, Héraclès.
HÉRACLÈS : Moi ? Moi, vraiment ? (Il s'approche des poètes) : Attendez-vous Héraclès le fils de Zeus ou un vieillard avec des rhumatismes et un foie malade ? Un vieillard qui a aujourd'hui tranquillement observé une petite fille en train de se noyer.


 

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