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LE THÉATRE ITALIEN À DUBROVNIK AU XIXe SIÈCLE

Mirko Deanović¹


 

 


Dans l'histoire dramatique à Dubrovnik, à partir de la Renaissance, la contribution à l'art théâtral italien est intéressante. Les habitants de Dubrovnik ont pu suivre de trois manières le développement du théâtre dans la péninsule des Apennins : ils étaient notamment en contact avec lui non seulement par la lecture et par les performances vues lors de voyages à travers l'Italie, mais déjà à travers des spectacles de compagnies italiennes (compagnie di comici) qui étaient souvent les hôtes de leur ville². Quelle que soit la valeur littéraire de ces représentations, leur apparition en cette place est significative pour l'histoire de la culture et de la vie sociale dans notre Athènes³ croate. Ces compagnies habituellement venaient de Venise ou du sud de l'Italie. Il y avait un grand intérêt à Dubrovnik pour ces arrivées d'acteurs et chanteurs professionnels italiens des deux sexes, qui annonçaient leur spectacle non seulement avec des programmes sur une feuille imprimée, mais encore par des livrets d'opéra complets édités à Dubrovnik. Ils étaient alors publiés dans notre pays et non en Italie, probablement pour des raisons économiques. Certainement pour les mêmes raisons, en route pour Vienne, les compagnies d'opéra italiennes ont souvent présenté et publié à Ljubljana aussi des libretto dans leur propre langue⁴. Ces apparitions dans notre ville sont également connues de F. M. Appendini, qui a salué leurs performances : « Hanno i Ragusei un teatro, per cui fanno venir dall'Italia buone compagnie di comici e di cantanti »⁵ . De plus ces librettos ragusains se trouveront aussi ailleurs, notamment en Italie⁶ ; par exemple, la seule bibliothèque Fondazione Giorgio Cini possède l'une des plus grandes collections de Venise, avec plus de 37 000 livrets. Certaines de ces publications ont également été conservées dans notre pays jusqu'à présent. Collectant avec le docteur Tomislav Jakić du matériel pour une « Bibliographie de Dubrovnik » (la Bibliographia Ragusina 1783-1940), j'ai découvert chez nous des exemplaires conservés qui sont répertoriés ici.



1784



    Le 5 mai 1784, le Sénat de la République de Dubrovnik permet pour la première fois à des troupes théâtrales italiennes de professionnels de venir à Dubrovnik pour des « stagioni » entières de 40 représentations⁷. Et un an avant cela, en 1783, l'imprimeur Carlo Occhi de Venise a fondé la première imprimerie à Dubrovnik.



1785



    Cette année-là, les habitants de Dubrovnik ont découvert deux opéras italiens :
1. Il conte di bell' umore,  dramma giocoso per musica da rappresentarsi nel teatro di questa illustre citta, dedicato ai nobilissimi cavalieri. Ragusa, 1785. Nella Stamperia privilegiata, 60 pages. L'auteur est Marcello di Capua (en fait Marcello Bernardini).⁸
2. La vendemmia, dramma giocoso per musica, dont le livret est imprimé la même année aussi dans la même imprimerie, en 56 pages, Dedicato alle signore cittadine.



1801



    Torno Krša (Chersa) de Dubrovnik a écrit à Ivan Bizzarro à Venise le 23 octobre 1801 : « Questo anno abbiamo qui una compagnia comica, che oggi e arrivata da Barletta. Ce sont des mauvais sujets »⁹ . Elle provient donc du sud de l'Italie, de la province des Pouilles.
 

1803



    À l'automne de cette année-là, deux opéras italiens ont été montrés dans notre ville :


1. La donna di genio volubile, opéra-comique du compositeur peu connu Marco Portogallo, dont le livret a été imprimé à Venise,
2. L'amante per torza, également du maestro peu connu Giuseppe Farinelli, dont le livret fut imprimé par Antonio Martecchini en 1803 à Dubrovnik.¹⁰



1804



    Au carnaval de cette année-là, a probablement chanté cette même compagnie qui, les années précédentes, avait aussi présenté à Dubrovnik l'opéra comique Il turbo contro il turbo, du compositeur de Rome en son temps bien connu, Valentino Fioravanti.¹¹
   Ensuite, il n'y a plus de nouvelles de ces performances, car en 1817, a alors brûlé le théâtre Orsan avec la salle de conseil. Le nouveau théâtre était dans l'ancienne maison réaménagée de la famille Gučetić avant 1824.¹²



1824



    Une compagnie de comédiens italienne a représentée dans le nouveau théâtre la tragédie Damiano Giuda tiranno di Ragusa, composée par l'administrateur de cette troupe, Basechi. Le capitaine Antun Kaznačić en a eu le manuscrit entre les mains¹³. M. A. Vidović a rédigé cette légende en italien dans la tragédie Damiano di Ragusa, Zara 1862¹⁴. Le début des pièces de ce nouveau théâtre en 1823 est confirmé par un sonnet italien imprimé à Dubrovnik pour « Une soirée de bienfaisance » (serata di benefizio) le 5 février 1825 par l'actrice Camilla Guarina de G. M. D.¹⁵



1830



    Le programme du 7 octobre 1830, également pour la soirée d'honneur d'un acteur italien, faisait référence à la pièce La tremenda campana dell'un'ora (La terrible cloche d'une heure) par A. F. Kotzebue en traduction italienne.¹⁶



1833



    De l'histoire locale, ils ont parfois couvert divers épisodes, tels que le 14 février 1833, la mort du hajduk Ivo Trkulja tué par les gendarmes, mais pour le théâtre de Dubrovnik il s'agissait là de « una ridicola rappresentazione »¹⁷.
 

1834



    Gaetano Donizetti, Olivo e Pasquale, melodramma giocoso da representarsi nel Teatro di Ragusa la primavera 1834. Parole di Giacomo Ferretti. Musica del maestro Gaetano Donizetti. Ragusa, Dalla Tipografia di Antonio Martecchini, 40 p. (Première à Rome en 1827).

 

1834



    Vincenzo Bellini, Invito teatrale per la sera di sabbato 10 maggio 1834. Gentili Sign. Ragusei (...) La prima donna contralto Carolina Biagelli Vi prega di concorrere alIa sua serata di benefizio, in cui si offre l'opera (...) I Capuleti e i Montecchi di Vincenzo Bellini. Ragusa. Dalla Tipografia di Antonio Martecchini, 1 feuillet. (Première à Venise en 1830).
   D'autres opéras tels que par exemple L'Esiliato di Babilonia et Chiara di Rosenberg, dont les auteurs ne sont pas précisés. M. Rešetar prétend que l'auteur de la seconde est le compositeur Luigi Ricci¹⁸.

 

1838



    Vincenzo Bellini, Norma. Tragedia lirica da rappresentarsi nel nobile Teatro di Ragusa nel carnovale del 1838. Ra gusa, Tipografia Martecchini MDCCCXXXVIII, 37 p. (Première à la Scala de Milan en 1831).

 

1839



    Cette année, quatre livrets d'opéras italiens ont été imprimés et présentés à Dubrovnik : trois de Donizetti et un de Rossini. Gaetano Donizetti, 1. Elisir d'Amore. Melodramma giocoso in due atti da rappresentarsi nel Teatro di Ragusa nel carnovale e quaresima 1839. Parole di Felice Romani.
Musica del maestro Donizetti. Ragusa. Co'tipi di Pier-Francesco Martecchini, 38 p. (Première à Milan en 1830).
   2. Lucia di Lammermoor. Dramma tragico da rappresentarsi nel Teatro di Ragusa la primavera dell'anno MDCCCXXXIX. Parole di S. Camerano. Ragusa. Dalla Tipografia Martecchini, 35 p  . (Première à Naples en 1835).
   3. Belisario. Tragedia lirica in tre parti (...) da reppresentarsi nel Teatro di Ragusa nel carnovale 1839. Ragusa. Coi tipi di Pier-Francesco Martecchini, 36 p. - La préface dit que la tragédie est de Holbein, adaptée pour la scène par Luigi Marchionni. P 7 : Poesia del Sig. Salvatore Cammarano. Musica del maestro Gaetano Donizetti. (Première à Venise en 1836).
   4. Gioacchino Rossini, Semiramide. Melodramma tragico da rappresentarsi nel Teatro di Ragusa nella primavera 1839. Poesia di Gaetano Rossi. Musica del Sig. maestro cav: Rossini. Ragusa. Dalla Tipografia di bPier-Francesco Martecchini, 39 p. (Première à Venise en 1823).

 

1840



    Gaetano Donizetti, Marin Faliero. Azione tragica in tre atti da rappresentarsi nel nobile Teatro di Ragusa nel carnovale 1840. Ragusa s. a. Dalla Tipografia di Piet. Franc. Martecchini, 56 p. - Page 4 : Poesia del Sig. Giovanni Bidera. Musica del maestro cav. Sig. Gaetano Donizetti. (Première à Paris en 1835).
 

1850



    I.A. Kaznačić. - Une compagnie italienne a présenté cette année-là aussi la joyeuse pièce Funerali e danze de l'écrivain de Dubrovnik Dr. Ivo August Kaznačić, dans laquelle est traité un  épisode enjoué de la vie universitaire de l'auteur. C'était une sorte d'opérette, pour laquelle Ivan Jakšić, probablement Dubrovnikois¹⁹, composa la musique.


1864



    Depuis que l'ancien théâtre Orsan (ex-chantier naval) dans le port de la Ville avait brûlé, le propriétaire terrien Luko Bundić (Bonda) avait obtenu en 1863 l'autorisation de construire un nouveau théâtre sur les ruines de l'ancien, surnommé le Théâtre de Bundić. Depuis lors, il y eut des venues de plus en plus fréquentes d'Italiens à Dubrovnik, mais dès le début de la Première Guerre mondiale, il n'en vint plus et ce sont des artistes locaux et des amateurs qui occupèrent dès lors les planches.²⁰

1895 (?)



    Joaquin Valverde, La gran via. Zarzuela, rivista comico-satirica rnadrilena in un atto del maestro Valverde, Ragusa,, Imprimerie serbe de Dubrovnik di A. Pasarie. S. a., 14 p. (Première en 1886).
    Ces compagnies ont parfois continué leurs venues au début du 20e siècle, mais leur valeur artistique n'était pas de premier ordre. Le public théâtral de notre petite ville n'a pas attiré les acteurs économiquement pour un voyage long et risqué à travers l'Adriatique. Jusqu'à récemment, vivait encore un vieil homme qui se souvenait de ces pièces, comme le professeur Milan Rešetar
 (1860-1942), dans son enfance²¹. De la même manière, la dernière génération à laquelle j'appartiens a aussi assisté à certains de ces opéras italiens, comme me le confirme mon collègue du lycée de Dubrovnik, le Dr Dane Knežević, maintenant à Zagreb. Nous avions appris par cœur quelques airs notamment de la Cavalleria rusticana (1889) de Mascagni, I pagliacci (1892) de Leoncavallo et La Bohème (1896) de Puccini, et nous les sifflions et les chantions pendant la journée à l'extérieur du théâtre. Il est caractéristique pour ce petit théâtre (sans galerie) que les pièces de son répertoire sont parvenues à Dubrovnik quelques années seulement après leurs premières en Italie.
   En plus des pièces et des opéras, le théâtre de Dubrovnik du XIXe siècle a également accueilli des performances de marionnettes italiennes et de l'académie de musique par des professionnels de passage. Mais les amateurs locaux ont également présenté des récitations occasionnelles avec chants et musique, comme Per il giorno natalizio di Sua Maestà. (...) Francesco I Inno e Cantata eseguita in musica dalla Compagnia del Teatro de' dilettanti in Ragusa MDCCCXXII, 7 pages.
   Se préparaient parfois des soi-disant « Serate di benefizio » (soirées de bienfaisance) avec des déclamations lors des départs d'artistes éminents de Dubrovnik, comme par exemple Sonetto dedicato al dotto e virtuoso pubblico della citto. di Ragusa del Signor Andrea CoIten ( . ..) in occasione della sua serata di benefizio. Ragusa. Dalla Stamperia di Antonio Martecchini.. 1 feuillet.
   Il est difficile de dire si la coïncidence temporelle de la stagnation complète de l'activité dramatique locale des amateurs en langue vernaculaire avec l'apparition de ces compagnies italiennes à Dubrovnik dans la seconde moitié du XVIIIe siècle se trouve dans une relation accidentelle ou causale. Les interventions de ces comédiens étrangers ont-elles été la cause ou la conséquence de l'extinction du théâtre de Dubrovnik ? Le type de comédien traditionnel semble avoir paru déjà obsolète et le public théâtral recherchait de nouvelles formes. Le même phénomène se produit également en Italie, où l'opéra gagne du terrain.
   Reste à savoir si le répertoire de ces compagnies a influencé le développement du théâtre local. Antun Gleđević (1659-1728) est un exemple caractéristique au XVIIIe siècle, lui qui a traduit trois livrets d'opéra italiens dans la forme traditionnelle théâtrale de Palmotić en strophes typiques de quatre octosyllabes²².
   Dans la Société des Dubrovnikois à Zagreb, le 5 décembre 1977, Slobodan P. Novak a tenu est une conférence informative intitulée « Le Théâtre musical italien dans l'ancien Dubrovnik ».



                                                                                                                                                                                                              Riassunto



INTORNO AL TEATRO ITALIANO A RAGUSA
NEL SECOLO XIX




    Sulle compagnie italiane di comici e di cantanti a Ragusa nell' Ottocento. Sui libretti d'opera italiani stampati a Ragusa.


Traduit par Nicolas Raljevic

 

 

1 Mirko Deanović (Dubrovnik, 13 mai 1890 - Zagreb, 16 juin 1984) italianiste et romaniste croate, lexicographe, historien de la littérature, professeur titulaire de philologie romane à la Faculté de philosophie de l'Université de Zagreb et fondateur du département de langue et de littérature italiennes dans cette faculté

2 M. Deanović, « Talijanski teatar u Dubrovniku XVIII vijeka » (Théâtre italien à Dubrovnik au XVIIIe siècle), Zbornik iz prošlosti. Rešetarov zbornik. Dubrovnik 1931, pp. 289-305

3 La ville de Dubrovnik était souvent surnommée ainsi pour sa richesse culturelle. (NdT)

4 St. Škerlj, ltalijansko gledališče v Ljubljani v proteklih stoletjih (Représentations italiennes à Ljubljana au cours des siècles passés), Ljubljana 1973, pp. 93 et suivantes.

5 F. M. Appendini, Notizie istorico-critiche sulle antichita storia e letteratura de' Ragusei (Notices historico-critiques sur les antiques histoire et littérature de Raguse), Ragusa, I, MDCCCII, p. 193.

6 Cfr. O. G. T. Sonneok, Catalogue of Opera librettos printed before 1800 (Catalogue des livrets d'opéra imprimés avant 1800). Washington, 1914, pp. 93 et suivantes.

7 Z. Šundrica, - « O kazališhnom i glazbenom životu. starog Dubrovnika » (De la vie théâtrale et musicale du vieux Dubrovnik), Zbornik Dubrovački festival 1950-1977. Dubrovačke ljetne igre. Zagreb 1974.

8 Ž. Muljačić, « O drugoj dubrovačkoj tiskari » (À propos d'une autre imprimerie de Dubrovnik), Anali Rist. inst. JAZU u Dubrovniku, X-XI, Dubrovnik 1962-1963, p. 313.

9 M. Rešetar, « Stari dubrovački teatar » (le vieux théâtre de Dubrovnik), Narodna starina I, Zagreb 1922. 102. (Le passage en italiques est en français dans l'original – NdT).

10 M. Rešetar, a. c. 102. Enciclopedia Italiana, Appendice I, Roma 1938, p. 599.

11 M. Rešetar, a. c. 102. J. Bersa, Dubrovačke slike i prilike /1800-1880, (Images et portraits de Dubrovnik / 1800-1880), Zagreb 1941, pp. 144-145.

12 M. Rešetar, a. c. 103.

13 E. Kalik, « Damjan Juda (Zuda) tiranin dubrovački » (Damjan Juda (Zuda) le tyran de Dubrovnik), Srđ I, Dubrovnik 1903, 33-38. A. Marinović, Enciklopedija Jugoslavije 4, Zagreb 1960, p. 552.

14 M. Rešetar, a. c. 103.

15 Ibidem

16 Ibifem

17 Ibidem

18 Ibidem

19M. Rešetar, a. c. 105-106.

20 B. Bersa, o. c. 144.

21 M. Rešetar, a. c. 103.

22 M. Deanović, « Die Übersetzungen des Anton Gleđević » (Les traductions d'Anton Gleđević), Archiv für slavische Philologie 36, Berlin 1916, pp. 378-413. Idem, « La fortuna di Apostolo Zeno nell'oltre Adriatico » (La fortune d'Apostolo Zeno à travers l'Adriatique), Atti dell'Accademia degli Arcadi N. S. VII-VIII, Roma 1939, pp. 169-211, J. Dayre, « Talijanski original Gleđevićeva "Belizarija" » (Original italien de la Bélisaire de Gleđević), Dubrovačke studije, Zagreb 1938, pp. 89-91.

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