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ARÉTÉE OU LA LÉGENDE DE SAINTE ANCILLE, L'OISEAU DU PARADIS

« Fantaisie en cinq tableaux », œuvre dramatique publiée dans Mogućnost, 1959, n° 11,

et jouée à Zagreb la même année.

Arétée (Aretej) est le dernier texte dramatique complet de Krleža, publié 28 ans après un précédent, Léda, qui par certains aspects extérieurs (changement du lieu de la scène et des cadres temporels, de la réalité et de la fantaisie), rappelle davantage des éléments de la première phase de la dramaturgie de Krleža, à savoir Les Légendes, et est thématiquement lié aux documents de l'histoire de la médecine, résultant de la Seconde Guerre mondiale. La Postface de l'auteur pour deux drames sur Arétée et Juraj Križanić est une sorte de commentaire de l'œuvre qui, concernant Arétée, est un scénario assez fidèle des circonstances de la vie et des dilemmes moraux du personnage présenté dans le drame lui-même.

La folie et les crimes de la guerre se combinent - dans le sous-texte de l'œuvre - avec l'agressivité d'avant-guerre des sections d’assaut fascistes et les tourments de conscience qui ont caractérisé les procès de Moscou : pour Krleža, la crise de la vérité scientifique, qui est brisée par la force brute au service de la propagande et succombe à la stupidité conventionnelle, est un problème universel d'un moment de la civilisation. C'est le thème dominant d'Arétée, et un thème secondaire, mais tout aussi permanent, concerne le processus de mystification, à travers lequel les mythes et les croyances sont créés. Au niveau du temps, l’épouse d’Aréthée, une femme chrétienne - future martyre, est à l'opposé du modèle de chasteté physique et de soumission spirituelle, et sa mémoire se confond avec le culte païen de l'oiseau de paradis en une seule tradition religieuse. En contrepoint aux promesses menaçantes du millénaire totalitaire, cette tradition est l’expression du profond scepticisme de l’écrivain à l’égard de l’humanisation du modèle apocryphe galénien. Selon la rectification apportée par Arétée, « et pourtant ce chef-d'œuvre est la main d'un singe ».

La combinaison d'événements contemporains de réalités analogues autour de 1938 avec des scènes paraboliques sur la sophistication des connaissances et la cruauté cynique de l'antiquité romaine est apparue dans l'œuvre de Krleža à une époque où la coexistence du réalisme et de la fantaisie élargissait les recherches conceptuelles et stylistiques dans notre littérature et notre théâtre. L’accent n’est pas mis, comme dans les drames précédents, sur la logique interne des événements, ni sur les processus psychologiques des personnages et leurs relations. C'est un drame d'idées, de discussions, qui est aussi théâtralement vital en raison de l'atmosphère créée par des détails dérangeants dans la mise en scène et les répliques incidentes. Les constantes thématiques varient en un riche réseau d’associations culturelles et historiques dans des structures de phrases alambiquées. La tendance de Krleža à la problématisation complexe de caractère essayiste et encyclopédique, si significative pour la dernière période de son œuvre, est équilibrée par des effets théâtraux comme le suggère le matériel didactique abondant (qui exige que certains personnages parallèles des deux mondes soient joués par les mêmes acteurs). La structure elle-même met l’accent sur l’identité essentielle des personnages principaux respectifs et la coïncidence de leurs situations au niveau intemporel dune réalité humaine permanente.

 

Extrait traduit de l’article « Aretej » du site Krležijana

 

Traduction Nicolas Raljevic

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